São Paulo de toutes les ombres

Lucia Guanaes & Marc Dumas

 

La plupart sinon la totalité des choses dignes d’intérêt dans le centre de São Paulo – les bâtiments, les monuments, les places… – ont déjà été recensées, décrites, inventoriées, photographiées… Le propos ici était de parler du reste : ce qui ne se remarque pas, ce qui n’a pas d’importance, « ce qui se passe quand il ne se passe rien, sinon du temps, des gens, des voitures et des nuages », comme l’écrivait Georges Perec1.

Justement. Comment rendre compte de ce qui passe tous les jours dans une ville comme São Paulo, qui se reproduit chaque jour à l’identique, ces micro-événements si ordinaires, si communs qu’on ne les remarque même pas ? Pour répondre à cette question, nous avons cherché des points de vue fixes d’où il serait possible d’observer le mouvement de la ville à toutes les heures du jour et de la nuit. Nous avons sélectionné onze hôtels situés dans des points stratégiques (carrefours, places…), dont les fenêtres offraient une vue dégagée et un angle de vision proche de 180°, et nous avons ensuite photographié ce que nous voyons de la fenêtre pendant un cycle complet d’au-moins vingt-quatre heures dans chaque hôtel.

Le résultat de cette expérience a été réuni dans le livre São Paulo de toutes les ombres, qui compte aussi avec la participation de l’écrivain brésilien Diógenes Moura.

Le livre est conçu comme un film, au fil du temps qui passe. Les auteurs sont des spectateurs qui restent à une certaine distance, sans jamais prendre part à l’action, comme le héros de Fenêtre sur cour d’Alfred Hitchcock, ce photojournaliste habitué à parcourir le monde et qui, suite à un accident, se trouve bloqué chez lui dans un fauteuil roulant, avec pour seul décor ce qu’il aperçoit de la fenêtre de son appartement.


Lucia Guanaes
 
[1] Georges Perec, Tentative d’épuisement d’un lieu parisien, dans Cause commune no 1, Éditions 10/18, 1975. / Tentative d’épuisement d’un lieu parisien, Éditions Christian Bourgois, Paris, 1982.

 

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