Alagados

 
Lucia Guanaes photos - Alagados - Brésil

La première impression des Alagados1 est la stupéfaction : un panorama de bric et de broc, des maisons sur pilotis en équilibre instable sur de fines tiges de bois, reliées entre elles par des passerelles branlantes au-dessus des eaux stagnantes de la mangrove.

De plus près, la carte postale s’estompe pour laisser place à une ingéniosité de tout instant. Les façades sont des assemblages improbables, 17 persiennes côte à côte, trois portes de styles contradictoires, quelques briques, une palissade, des matériaux de chantier sortis d’une benne… La récupération et le recyclage sont la règle. Devant nos yeux chaque façade devient un tableau, ici un Mondrian, là-bas un Paul Klee, plus loin un Tàpies…

Les intérieurs, eux, contrastent avec la rugosité des façades. Ils reflètent la fierté et la dignité des habitants : casseroles récurées, bibelots bien alignés, vases de fleurs en plastique, napperons en dentelle, animaux en peluche parfaitement rangés sur l’étagère, Christs et Vierges Marie qui nous suivent des yeux… Ici la propreté et l’embellissement sont de mise, lutter contre la précarité n’est pas simple.

Réalisé en 2001, Les Alagados est le second volet d’une recherche sur les différentes expressions visuelles de la culture populaire à Salvador de Bahia, le premier volet étant Popular réalisé l’année antérieure sur le commerce traditionnel. Mon intention était d’aborder frontalement cette esthétique populaire qui se manifeste, entre autres, dans la construction des maisons, l’aménagement des intérieurs, les étalages des marchés populaires et les décorations des fêtes.


Lucia Guanaes
 
1 Résultat d’une occupation urbaine informelle initiée à la fin des années 40, les Alagados (littéralement, les Inondés) sont considérés comme l’une des zones les plus pauvres et insalubres de la ville de Salvador. Ils ont été, à partir de l’année 2000, l’objet d’un projet d’urbanisation (voir http://www.citiesalliance.org/alagados) mais à l’époque où ces photos ont été prises le quartier ne possédait pratiquement pas de réseau d’eau et d’égout ni aucune infrastructure urbaine de base (voierie, éclairage public, etc.).